Mais non, vous n’allez pas lire ici une diatribe de plus sur le thème du « tous pourris », encore que si ça continue, ce second tour des Présidentielles ressemblera à un concours de mises en examen.
C’est au point qu’elles semblent devenir une condition pour être candidat, aussi nécessaire que les 500 parrainages, ce qui serait une exclusivité mondiale à porter à notre actif national.
Les indignations feintes ou sincères devant tous ces rebondissements judiciaires ne doivent pourtant pas nous faire oublier l’essentiel : il s’agit de choisir pour 5 ans minimum celle ou celui qui sera capable de tenir la barre et même la redresser, dans un contexte international en forte mutation, et avec une situation nationale compliquée.
Et pour y parvenir, l’intégrité est-elle une qualité première de Président ? Nous permettra-t-elle de tirer notre épingle du jeu dans un monde où les rapports de force, y compris la violence, mènent la danse, où l’espionnage politique, scientifique et économique entre alliés ferait presque figure de bonne pratique ? Où des pays pèsent sur les élections d’autres nations même puissantes, par tous moyens financiers et médiatiques à leur portée ?
Par ailleurs, qui sont ces candidats? D’où viennent-ils, qu’ont-ils vécu, qu’ont-ils appris pour accéder à cette prestigieuse ligne de départ ?
Depuis 1981, tous les vainqueurs sont des politiciens de métier : 20, 30 ans de vie de parti pour un Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande, avant le triomphe électoral. Et ils ont gagné pour cela, parce qu’ils ont acquis à un plus haut degré que les autres les savoir-faire et savoir-être de ce milieu politique ; cela sur détermine leur succès, bien plus que leur personnalité initiale.
Quels sont donc ces savoir-faire ?
- Vis-à-vis des électeurs, qui en moyenne ne comprennent rien mais ressentent beaucoup et oublient tout autant, être avenant, compatir et promettre sans limite avant l’élection ; après, favoriser sa circonscription autant que possible, sans s’embarrasser de l’intérêt général ni s’attirer d’ennuis.
- Vis-à-vis des collègues de parti, manœuvrer, acheter, intimider, berner ou même trahir pour rassembler autour de soi le plus grand nombre possible d’entre eux, des fidèles s’ils sont assez naïfs pour croire à une réciproque, ou des complices liés par leur intérêt, et accéder ainsi au sommet du parti, qui dispose de moyens de pouvoir déterminants (trésor de guerre, investitures,…), et délivre un sésame pour d’autres cercles de pouvoir non politiques et parfois internationaux.
- Vis-à-vis de ces nouveaux cercles, se faire accepter, et pour cela partager des éléments de langage et de comportement, voire de style de vie parfois « borderline » ; l’argent n’y a plus cours, ou en tout cas différemment, c’est le système de l’échange de bons procédés entre bons amis qui prévaut, sans que rien ne soit vraiment demandé ou dû. Tous, depuis 1981 au moins, ont eu ce genre de riches relations; on peut facilement y oublier la réalité de la France profonde.
Ce sont ces candidats-là qui nous arrivent : propres sur eux, manœuvriers, caméléons, opportunistes, ils doivent être tout cela pour que nous les élisions. Car nous les élisons, depuis des dizaines d’années.
Et il n’est pas exclu qu’au fond, avec beaucoup de non-dit, on trouve là de la sagesse populaire : dans le monde actuel, plutôt comme Président un roublard Talleyrand qu’un naïf Saint-Just, même si cela nous coûte un peu sur le plan de la finance et de la morale.
Et en réalité ce qui change aujourd’hui, ce n’est pas le niveau d’intégrité des candidats, mais la transgression de ce non-dit national, sous l’action conjointe de l’ultra-transparence médiatique, et de la recherche éperdue du « chimiquement pur » par quelques justiciers judiciaires.
C’est la mise à nu de ce non-dit, peu glorieux il est vrai, qui est insupportable à de nombreux électeurs, et cause leur colère ou leur déception.
Et côté candidats, pas ou peu de vision d’ordre supérieur venant garantir qu’in fine, l’élu se consacrerait corps et âme à la cause de la France, ce qui permettrait de tout lui pardonner. C’est moins la duplicité qui est insupportable, que l’absence de noble cause.
Qui à l’époque aurait reproché au Premier Consul Bonaparte son népotisme, ou sa rémunération de 500 000 francs or, l’équivalent de plusieurs millions d’euros actuels, alors qu’il portait la France et sa Révolution au pinacle de l’Europe?
Dans un tel cas, les Français se diraient, comme les Romains : « De minimis non curat praetor » : ne nous occupons pas des vétilles, quand on tient un Homme ou une Femme d’Etat.
Daniel Rigaud
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