Alors qu’elle ne commence officiellement que le 9 avril (!), cette campagne présidentielle bat déjà tous les records d’incertitude et de cacophonie; chaque semaine monte d’une octave dans les révélations, les réactions émotionnelles improvisées, les ralliements à l’ennemi d’hier ou les trahisons de l’ami de toujours ; la confusion mentale et morale s’étend partout, comme une inondation.
Tour à tour, candidats, police, justice, gouvernement, partis et sous-partis s’engagent dans un brouhaha de cour d’école CP maternelle, sous la baguette inflexible de médias chauffés à blanc, malsains metteurs en scène/attiseurs/manipulateurs de ce qu’il faut bien appeler de la politique entertainment.
Aucun maître d’école pour siffler la fin de cette récré, stopper cette situation à deux doigts de l’emballement sans retour. Par maître d’école, j’entends non pas une figure d’Etat, nous n’en avons plus ; mais ce qui pourrait être un « maître d’école » moral, fait de sens civique, d’intérêt général, et même, (on peut rêver), de respect du citoyen électeur éphémère ; un maître immatériel qui s’imposerait naturellement aux candidats, aux dirigeants des média, à la justice et au gouvernement, pour garantir à cette élection la qualité et, osons le mot, la majesté nécessaire à son utilité publique.
Le plus étonnant, c’est l’incapacité des acteurs à comprendre ce qui se passe, à réagir autrement qu’en canards décapités ; chacune de leurs initiatives, parce qu’issues de référentiels de pensée périmés, accélère inexorablement la dégradation de la situation.
Prenez les ralliements : Jadot à Hamon, Bayrou à Macron, ou tant d’autres en ce moment même, pour d’un côté sauver des investitures aux législatives, ou un poste au futur gouvernement, de l’autre pour gagner des électeurs : c’était déjà dérisoire et médiocre en temps ordinaire, cela devient risible d’inefficacité quand, comme aujourd’hui, la fusée où Dupont et Dupond se tiennent l’un l’autre, se retourne.
Comment ne se rendent-ils pas compte qu’en-dehors de quelques milliers de militants, la France électorale assiste stupéfaite et exaspérée à ce barnum d’initiés parisiens dont elle n’a aucune envie, dont on la saoule depuis des années ? Qu’en ce moment son bras s’élève pour balayer d’un revers toute cette pléthore d’inutilités plus ou moins moisies ? Qu’elle est prête à toutes les audaces, pour en finir avec ce système politico-médiatique usé jusqu’à la trame, cette bien-pensance serinée « ad nauseam », follement incapable de résultats ?
Pour cette élection il est probablement déjà trop tard pour réagir : sans faire le détail, le suffrage universel va tout renverser sur son passage : partis, leaders, pratiques. Il y aura des injustices individuelles car certaines victimes sont humainement estimables : mais le sens de l’Histoire s’est toujours moqué de cela.
Mais après, il faudra inventer une autre démocratie : fin mars, le prochain article de Conjecture 4.0 y sera consacré.
Daniel Rigaud