Avec entrain, l’actualité nous hèle ces jours-ci sur de nombreux sujets : après la salade catalane et la mondialisation heureuse, voici le harcèlement, les petits papiers du paradis (en français dans le texte), ou la chute annoncée de Daesh.
De tout ceci se dégage l’impression un peu floue, mais générale et insistante, de faux semblant.
De « faire comme si ».
Faire comme si on allait séparer la Catalogne de l’Espagne, mais se coucher ou détaler dès que celle-ci fait les gros yeux, ou que les acteurs économiques votent avec leurs pieds. Mais où a-t-on vu que l’indépendance d’une Nation se donne ? Tous les grands révolutionnaires de l’Histoire, à la vie sacrifiée d’avance à leur cause, doivent en hurler de rire.
Faire comme si la mondialisation des échanges pouvait servir le bonheur du plus grand nombre et la préservation de la planète, alors que concomitamment elle exacerbe les inégalités, produit des circulations improbables, et dépouille les Nations de leur patrimoine industriel ou culturel. Comme si le seul intérêt financier, ce pauvre indicateur, pouvait servir de projet d’espèce à l’humanité toute entière !
Faire comme si l’inexcusable harcèlement était un problème de perversion sexuelle, qu’on allait résoudre à coups de dénonciations individuelles, de textes de loi, ou de subventions aux associations, alors qu’en même temps tous nos codes sociétaux occidentaux, exaltant le physique et l’argent qui l’achète s’emploient, à longueur de pub et de média, à nous fasciner, nous façonner en ce sens ?
Faire comme si les Paradise Papers, cet évènement fabriqué par les média pour les média, allait changer la cupidité humaine et son ordre social. Comme si ceux qui ont organisé ces paradis fiscaux n’étaient pas capables d’en réinventer les mécanismes cent fois plus vite qu’ils ne les laissent, de temps en temps et parcimonieusement, découvrir ?
Faire comme si Daesh était anéanti, alors qu’il ne fait que changer de forme. Comme si cette maladie mentale qu’est l’islamisme radical allait être éradiquée par ces victoires sans projet politique global, et surtout endogène? Comme si les fondamentaux de son existence n’étaient pas intacts : intolérance, sacrifice consenti d’avance, inhumanité ?
Faire comme si, pour nourrir le système média. Faire comme si, pour attirer la lumière sur soi. Faire comme si, pour endormir l’opinion, et mieux faire ses affaires.
Est-ce notre nature humaine qui nous confine ainsi dans nos instincts primaires les plus bas, parce que le plus facile a toujours été le plus lucratif?
Nos vies ne seraient-elles ainsi qu’une longueur sans relief et sans intensité ? Un tapis roulant sans but, parcourant un bout figé de l’espace-temps, encapsulé de « comme si » bien tuilés ?
Pourtant nous savons que non. Il existe autre chose. Nous avons tous, dans notre vie, eu des moments rares, vu des éclairs d’authenticité entre deux tuiles. Une rencontre, un paysage, une œuvre d’art. Ou un essai de l’équipe de France de rugby, peu importe.
On ne peut s’y préparer, mais quand ces moments arrivent, on a l’impression de les connaître depuis toujours, et d’y être essentiellement accordés, de toute éternité.
Alors, plutôt que de subir les « comme si » qu’on nous fabrique, si nous construisions sur ces moments forts qui nous appartiennent ?
Si, plutôt que les laisser passer et d’en devenir nostalgiques, nous nous accrochions à eux pour oser les mettre au centre, les développer, abandonnant nos pauvres acquis et nos systèmes sclérosants ?
Et si nous nous disions : what if ? Et si nous allions voir ce qui arriverait?
Le seul critère de valeur d’un être humain, d’une société, ou de l’espèce humaine, c’est son niveau de fraternité et de compréhension de l’Univers. Et sa volonté d’avancer.
Et comme d’autres l’ont déjà dit, le reste vous sera donné par surcroît.
Daniel Rigaud