Avoir des raisons de partir ? Ou ne pas en avoir de rester ?
Il y a quelques mois, c’était apparu comme anecdotique dans le flux de l’actualité : quelques jeunes adolescents étaient partis en Syrie « faire le jihad », contre on ne savait pas très bien qui, entre Kurdes, armée syrienne, opposants à Bachar el Assad,… autant de protagonistes que les marchands d’armes occidentaux avaient tous, plus ou moins et suivant les époques, approvisionnés.
Les réactions de l’opinion publique pouvaient osciller à ce moment-là entre une certaine forme d’attendrissement devant le côté romantique de cet engagement, ressemblant à celui de jeunes communistes idéalistes allant en 1936 se battre contre Franco; et l’idée confuse que ces départs étaient un bon débarras, qu’ils allaient s’entretuer entre extrémistes, là-bas et loin de la France, et que, bon débarras !
Et puis l’opinion s’est rendu compte de plusieurs choses :
- Qu’il s’agissait de jeunes Français, sans histoire et pour ceux issus de l’immigration, parfaitement intégrés. Des jeunes semblables apparemment à tous les autres. Pas du tout fanatisés, ignorant même tout des religions au départ
- Que cette fanatisation se faisait avec une facilité déconcertante, en quelques semaines et à distance par internet et les réseaux sociaux,
- Qu’ils ne partaient pas pour mourir, mais pour revenir. Revenir formés à tuer, à terroriser dans leur propre pays
Les attentats du 7 janvier sont venus achever de crédibiliser ce scénario particulièrement pervers (nuire à son ennemi par ses propres enfants), scénario voulu, conçu et réalisé par des fanatiques barbares.
Alors notre République a mis en place ses défenses. Contrôle ou interdiction des départs de mineurs vers le Moyen Orient. Démantèlement de quelques filières de conditionnement et de préparation au départ. Arrestation de quelques jeunes à leur retour, et « déconditionnement ».
Magnifique exemple de traitement des symptômes, dont l’effet n’aura aucune durée. Et qui dispense, une fois de plus, de réflexion sur le fond.
Or ces évènements, spectaculaires mais encore marginaux, sont des révélateurs de fragilités majuscules de notre société, et potentiellement source de ruptures destructrices
- Notre société n’est pas porteuse d’idéal: si l’âme de ces adolescents avait été fortement nourrie de valeurs humaines de générosité, d’engagement, de respect de la différence, ils auraient trouvé en eux-mêmes la force de résister, critiquer et rejeter ce fanatisme pseudo-religieux qu’on leur proposait. Où ces jeunes entendent-ils parler de l’idéal de France, où en voient-ils les réalisations, quels en sont les héros ?
- Nos enfants sont vulnérables: internet et les réseaux sociaux exposent ces jeunes en construction à tous les vents de la planète, y compris les plus mauvais, sans aucun contrôle des parents dont le rôle est de plus en plus marginalisé, que ce soit par la technologie qu’ils ne maîtrisent plus, ou par l’action diffuse et prégnante de la bien-pensance libertaire
Quelques semaines de tête à tête par internet ou sms avec un fanatique malveillant, dans le huis clos d’une chambre d’ado où trônent les posters de Britney Spears ou Zlatan Ibrahimovic, et le mal est fait
- La violence létale est à portée de main : nul besoin de revenir armé de Syrie, les armes de guerre, les équipements de combat, les appareils de renseignement, bientôt les drones et les missiles, s’achètent facilement sur Internet ; à 300 ou 400€ la kalachnikov, on peut même prendre un crédit à la consommation pour se fournir, si on n’a pu se procurer une fausse Carte Bleue, ou home-jacker une voiture….
- La Nation n’est pas assez un lieu d’amour : si le sentiment d’appartenance à une même communauté nationale, pour parler plus pudiquement, existait plus fortement, comment vouloir tuer son compatriote pourrait être possible ? Français mes frères, mes sœurs, oublions-nous la dernière partie de notre devise : fraternité? Ne voyons-nous pas qu’elle est, et restera toujours, notre meilleure défense ?
Empoignons ces sujets, traitons-les pour nous rendre collectivement plus forts, plus justes, plus humains !