C’est le must de cette période de fin d’année, qu’on trouve à pleines brassées sous les sapins de Noël :
le programme électoral.
A consommer tout de suite pour les primaires, ou n’ouvrir qu’à la présidentielle.
On se dit qu’on devrait les lire, les décortiquer, les comparer. Soupeser l’efficacité relative d’une augmentation de la TVA ou de la diminution du nombre de fonctionnaires, pour réduire la dette et augmenter le bonheur intérieur brut. Bref, faire le boulot de citoyen éclairé et souverain que nous sommes.
Et en fait on n’aurait qu’une envie, les revendre sur internet. Ou même tous les donner, tiens, contre une simple conviction pour le vote prochain. Mais ça ne serait pas bien. Pas responsable.
Allez, on ne va pas commencer 2017 si mal : avec vous, on va décanter ce magma tout en s’amusant.
Première idée : dénombrer les dimensions du programme, pour estimer sa consistance.
C’est comme pour un jeu vidéo : combien de dimensions utilise ce programme électoral : 1D, 2D, 3D, 4D, au-delà ?
Programmes « 1D » :
Constitués en général d’un alignement de mesures choc (« Le SMIC à 1000€ », « La Sécurité Sociale remboursée à 100% », « Un plan d’investissement européen de 1000 milliards d’€ »), qui sont là pour frapper l’imaginaire. Faisabilité, cohérence globale, efficacité des mesures? Autant de sujets non abordés.
Programmes « 2D » :
Ces programmes explicitent l’effet attendu d’une mesure (ex : « pour réduire le déficit du budget de l’Etat, suppression de 500 000 postes de fonctionnaires») ; ils utilisent aussi souvent le procédé de «symétrie de compensation» (ex : « pas de suppression de l’ISF, car on augmente la TVA de 2 points »)
Programmes « 3D » :
Ces programmes proposent un ensemble cohérent de mesures politiques, s’inscrivant parfois dans une perspective de société. L’interaction des mesures est ici prise en compte (ex : « on ne commence à réduire les conditions d’indemnisation du chômage que lorsque l’économie sera repartie, pour ne pas créer de situations désespérées des fins de droits »)
Programmes « 4D » :
Dans ces programmes, s’ajoute enfin la notion de temporalité : à partir d’un vote législatif (ou d’une ordonnance), combien de temps de mise en place, et d’application constante de la mesure pour produire l’effet attendu.
Les exemples de mesures de programmes « 4D » manquent cruellement pour le moment. Alors voici un contre-exemple : le CICE de Hollande, qui ne produit ses premiers effets qu’en fin de quinquennat : tard, bien trop tard pour inverser la courbe du chômage dont le Président avait fait publiquement, en pari stupide, le KPI de son mandat. Cette bourde de « concordance des temps », comment ne pas l’avoir vu venir?
Programmes « 4D + » :
Ne cherchez pas ce niveau dans les offres actuelles des candidats. Nous entrons là dans le monde de la fiction, mais pas de l’utopie.
Ces programmes s’appuieraient obligatoirement :
- sur un diagnostic partagé et vérifiable, établi par un organisme neutre dans l’année précédant l’élection : état de la France sur l’économie, l’exercice du régalien, l’éducation, la santé, son modèle de société, son rôle en Europe et du monde, sa vision d’avenir,….
- sur les attentes des citoyens, recueillies et hiérarchisées par un organisme neutre
Ces programmes donneraient :
- leur vision d’ensemble, sous-tendant l’état de la France auquel ils veulent arriver (selon les mêmes items que le diagnostic partagé) à la fin du mandat, indiquant au passage les politiques dont l’exécution dépasse le cadre d’un mandat présidentiel, qui devraient de ce fait être sanctuarisées
- les mesures proposées, leur déroulement, leurs interactions et effets prévus (mode 4D),
- les réponses concrètes qu’elles apportent à chacune des attentes prioritaires citoyennes,
- une démonstration de faisabilité financière, à hypothèses économiques réalistes
- une obligation de bilan de mandat, conditionnant des marques particulières de reconnaissance de la Nation
Ça fait rêver, non ? Pourtant on pourrait très bien l’avoir, vous savez !
Oui, bien sûr c’est plus complexe que d’habitude ; mais c’est juste l’indispensable, si on veut faire autre chose que mimer 5 ans de plus l’exercice simultané du pouvoir et de la démocratie.
Deuxième idée : conjointement au programme, évaluer la qualité personnelle du candidat.
Il n’est pas impossible que derrière un chétif programme « 1D » se trouve une personne de réflexion et de conviction, une équipe solide, ayant dans leurs têtes un programme 3D ou même 4D, mais qui estime avec une lucidité désabusée, qu’il faut faire simple pour plaire au peuple. Or c’est bien le ticket « candidat-programme » qu’il faut évaluer.
Comment dès lors mesurer cette solidité du candidat, et son aptitude à conduire l’action ?
En classant ses réactions et déclarations face aux critiques, selon 4 niveaux de crédibilité, de « 1C » à « 4C » :
- Crédibilité « 1C »: Il se bute sur sa position, en s’enflammant dans des grandes déclarations de principe (le droit à la santé pour tous, p.ex.), ou citant des situations émouvantes mais anecdotiques pour se justifier
- Crédibilité « 2C »: Il change de terrain, biaisant sur la question posée, accablant l’équipe gouvernementale précédente, ou attaquant personnellement ses détracteurs,
- Crédibilité « 3C »: Il modifie sa position, mais en argumentant les modifications apportées, établissant en passant qu’il ne déroge pas à sa vision d’ensemble,
- Crédibilité « 4C »: Il fournit des réponses et des éclairages sur le bien-fondé de sa position, à la fois « 3D », latéralement (ex : indemnisation du chômage et équilibre budgétaire) et « 4D », en amont (temporalité des actions, modèle de société sous-jacent)
A partir de là, on peut facilement décanter les offres en les positionnant sur une carte de ce type :
En parcourant les programmes, vous positionnez les candidatures sur l’axe horizontal ; en écoutant les candidats, sur l’axe vertical. Et in fine, vous vous retrouverez avec des candidatures dans 4 zones :
- Zone « Pari stupide » : programmes sans épaisseur, candidats sans répondant : vous avez sans doute affaire ici à des politiciens, qui ne sont pas vraiment là pour gouverner, mais pour leurs petits enjeux personnels. A fuir, sauf si vous jouez la politique du pire.
- Zone « Pari perdant »: il est assez improbable que les programmes aient nettement plus d’attraits que les candidats qui les portent. Si le cas arrive néanmoins, méfiance ! Les candidats sont soit déficients, soit manipulés. Mauvais choix pratiquement garanti !
- Zone « Pari osé »: ce sont de bons candidats qui se trouvent là, et probablement avec de bons programmes ! Mais malheureusement ne faisant pas assez confiance à l’électorat pour tout lui dire. Vous pouvez tenter, en espérant que ce défaut se corrigera en cours de mandat
- Zone « Pari gagnant »: candidats solides, programmes étayés, transparence : c’est là que se trouvent vos futurs champions ! En espérant, bien sûr, qu’il y en ait au moins un partageant votre vision de la France !
Ce n’est pas le cas ? Pas grave, prenez-en un quand même, dans cette zone ou dans la zone « Pari osé » : quand on est enlisé, l’important est d’abord d’en sortir, dans quelle direction ça se regarde après.
Daniel Rigaud
PS : Cet article vous a plu ? bien picoté les neurones ?
Alors réservez vite votre « carte des candidatures », à utiliser chez vous en regardant les débats des primaires de la gauche, des deux tours de la Présidentielle, en lisant les programmes et en menant vos réflexions personnelles, vous permettant de positionner tous les candidats et actualiser leur position en temps réel !
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Bonnes élections à tous !