Itinéraire tranquille vers un comportement génocidaire
Ça a commencé comme beaucoup d’autres entreprises au 19e siècle : un petit pharmacien suisse d’origine allemande à la recherche de produits à vendre, un démobilisé de la Guerre de Sécession inventant une boisson pour se désintoxiquer de l’héroïne utilisée pour calmer ses douleurs, un fermier démobilisé qui abandonne les céréales pour le tabac…
De belles histoires d’entrepreneurs, de pionniers inventifs ont présidé à la création de Coca-Cola, Imperial Tobacco, Nestlé ; comme tant d’autres, ces microentreprises auraient pu décliner et mourir ; mais elles ont survécu, apprenant à s’allier, se développer, se reconvertir pour continuer à exister.
Aujourd’hui ces groupes sont des mastodontes de taille mondiale, servant les besoins alimentaires d’une bonne partie de l’humanité ; des armées de recherche et développement, marketing, production, commerce s’ingénient au sein de ces sociétés, à créer et nous faire consommer de nouveaux produits.
Arrivés à ce niveau planétaire, ces grands groupes prolongent-ils en les magnifiant les belles histoires du début ? Traitant des besoins de l’humanité, leur comportement est-il à la hauteur de l’enjeu ?
Le bilan a de quoi effrayer.
Des centaines de produits alimentaires de consommation courante (coca, boissons énergisantes, barres chocolatées, condiments, chewing-gums, soupes,….) contiennent des colorants ou des adjuvants chimiques susceptibles de développer cancers et allergies de toutes sortes.
Plus de 40 millions d’enfants sont en surpoids dans le monde, par ingestion d’aliments excessivement sucrés ou salés, flatteurs pour le goût, et développeront des maladies chroniques à l’âge adulte.
Un milliard de fumeurs dans le monde, dont la moitié en mourra. 6 millions de personnes meurent chaque année des conséquences du tabagisme, et ce chiffre pourrait atteindre 8 millions en 2030. Un génocide par an.
Ces résultats ne sont pas arrivés par ignorance ou distraction de ces grands Groupes. Sans en vouloir nécessairement les résultats, ils en ont installé sciemment les causes. Augmenté la dose de nicotine pour créer la dépendance. Mis plus de sucre ou de rehausseur de goût pour déclencher l’achat.
Pourtant les salariés de ces grands groupes ne sont pas des exterminateurs; ils sont sensibles, affectueux, généreux, intelligents à des degrés divers, comme tout le monde.
Et ces groupes nous empoisonnent. Sans états d’âme.
Ces groupes ne portent pas le mal en eux, ils n’abhorrent pas l’espèce humaine.
Simplement, ils ne la considèrent pas. Ces groupes ne nous voient pas comme des êtres humains, mais des consommateurs à séduire, conquérir, fidéliser par tous les moyens y compris la dépendance. Un consommateur qui meurt, c’est moins grave que son passage à la concurrence.
Le mal n’est pas chez eux. Le mal, c’est de les laisser agir sans frein, en supposant que ce qui est bon pour l’entreprise est bon pour l’humanité. On en voit les résultats.
Faisons entendre haut et fort ce que nous voulons pour l’espèce humaine, notre espèce. Faisons-le sans crainte des réactions de ces groupes puissants : pour eux, peu leur importe la dureté des règles qu’on leur impose, du moment que leur application est universelle.