Nous vivons actuellement le processus d’élection présidentielle en France et aux Etats-Unis.
Ce n’est pas rien, ces élections suprêmes. Elles concernent deux des plus grandes démocraties du monde, par leur poids économique et politique naturellement, mais aussi par leur engagement au service de ce mode d’attribution et d’exercice du pouvoir, modèle selon elles de gouvernement.
Nul doute, ces élections sont suivies avec attention par les gouvernants et par les peuples, quels que soient leur régime politique, et leurs sentiments à l’égard de ces pays.
Et à quoi assistent-ils, tous ces gens abreuvés de discours pro-démocratie ?
Aux Etats-Unis, à une confusion totale dans les candidatures :
- A un pugilat de bas-fonds entre les deux candidats démocrate et conservateur, s’enfonçant un peu plus, à coups de millions de dollars, à chaque meeting ou débat TV, et qui les révèle comme des personnes peu estimables, dont l’autorité morale de Président(e) sera sapée d’avance.
- A une perte complète de repères, les étiquettes de ces candidats ayant perdu toute signification. Le clivage n’est plus latéral (schématiquement, « droite » conservatrice contre « gauche » démocrate, développement contre répartition) mais vertical (establishment contre classes sociales inférieures), révélant une déstructuration, une déchirure profonde entre un pays qui souffre et ses élites cyniques. Pour rendre la confusion complète, le candidat conservateur milliardaire se fait le porte-parole des « petits », et la candidate démocrate celui de l’establishment médiatico-financier.
En France, à un dévoiement de l’expression du peuple souverain, précédant de peu l’organisation de l’inefficacité gouvernementale :
- Quelques millions seulement d’électeurs vont pré-formater l’élection, en sélectionnant, sans légitimité particulière pour le faire, le candidat d’un parti politique, ce qui a deux inconvénients :
- faire émerger nécessairement des candidats d’appareil, qui ne font pas de bons Présidents, parce que leur talent est celui de savoir composer à petit niveau, avec leurs pairs, pour être élus,
- rendre impossible la libre rencontre d’un candidat et du corps électoral, principe pourtant de base du suffrage universel de la Ve République
- Aberration supplémentaire, les candidats battus à ces élections de parti se targueront de cette pseudo-légitimité électorale pour revendiquer une place au gouvernement, où ils continueront leurs batailles de courants et d’ego désastreuses pour l’intérêt national : ce n’est pas de la politique fiction, c’est la réalité vécue de ce quinquennat, où 5 candidats sur 6 à la primaire PS de 2012 se sont retrouvés à gouverner la France, après s’être violemment combattus. Comment espérer dans ces conditions la moindre cohésion gouvernementale ?
Beaux exemples, en vérité.
Navrante démonstration de l’inefficacité de ces exercices-là de démocratie, incapables de désigner un leader et une équipe crédibles, alors que les sujets de fond requérant, pour leur règlement, plusieurs mandats d’action obstinée, s’accumulent.
Où sont les débats sur la dynamique économique, sociale, et géostratégique que chacun de ces pays devrait avoir ? Pour défendre quelles valeurs, quels modes de vie, aux yeux du monde ?
Aujourd’hui, au Moyen Orient, en Afrique, en Asie, ce n’est déjà plus une éthique, une économie, une gouvernance, une culture ou une vision géostratégique meilleures pour l’humanité qui font exister le camp occidental : c’est la seule supériorité de ses armes, qu’il vend ou utilise.
C’est intenable, et dangereux : qui se sert de l’épée périra par l’épée. Non que l’épée ne soit nécessaire : mais lorsque la cause qu’elle sert n’est ni légitime ni utile pour faire progresser l’humanité, son usage est insupportable.
A perdre ainsi les cœurs et les esprits, de plus en plus, le monde nous dira : votre modèle ? Non merci. Plutôt celui d’un Poutine, d’un Xi Jinping, ou même d’un Rohani qui sont consistants, eux, à défaut d’être respectables.
Democracy? Not in my backyard.
Daniel Rigaud