Une de plus. Une pour rien. Une de trop ?
Ces derniers mois, je me suis souvent dit qu’il fallait quand même écrire quelque chose sur ces Présidentielles en France, si signifiantes dans leur déroulement sans que pourtant on semble s’en apercevoir, ou en tout cas le dire.
Dire, soit, mais que dire de nouveau ? Pour les précédentes de 2017, plusieurs de mes articles sur ce site avaient décortiqué les lacunes de notre vie démocratique, proposé des solutions pour les corriger, indiqué leur urgence. Certains de ces points, je les ai déjà repris à l’occasion des régionales, je ne vais pas les reprendre ici.
Des exemples ? Les voici :
Article « La tyrannie de l’émotion, ça suffit ! » , 14 avril 2017 :
« Le vote se fera donc comme d’habitude dans cette ambiance rendue survoltée par des médias dont c’est le métier et le business, conduisant à faire produire notre décision d’électeur par notre infra-cerveau reptilien : une décision réflexe, de peur ou de passion. Et ce crescendo d’émotion atteindra son sommet au cours du face-à-face de western du deuxième tour, jusqu’à son dénouement dramatisé. »
Article « Elire, autrement », 31 mars 2017
« La dette explose, le chômage gagne, la pauvreté aussi. La précarité devient un état durable, dans un nombre croissant de couches sociales. Les trafiquants, les communautarismes rongent sourdement l’unité nationale, et l’intégrité du territoire. Des populations entières se sentent abandonnées. Le niveau d’éducation recule. Les institutions, accusées d’être partiales, sont brocardées. L’abstention aux élections ne cesse de croître.
A l’extérieur, la France devient inaudible : affaiblie économiquement, confuse dans son action diplomatique, vulnérable aux attentats meurtriers islamistes, submergée de scandales à répétition touchant sa classe politique, elle ne pèse fortement ni sur ses adversaires, ni sur ses alliés, notamment en Europe. »
5 ans plus tard, rien n’a changé, si ce n’est que la dégradation de la situation s’est aggravée, sous l’effet de deux crises, l’une sanitaire et l’autre militaire, qui ont accéléré mais aussi beaucoup révélé, apparemment imprévisibles et sans rapport. Il y aurait bien à dire sur ce dernier point, mais admettons.
Et donc en 2022, la même confiscation illégitime de la campagne par les média. L’incommensurable vacuité des torrents de paroles des commentateurs politiques de plateau, dépourvus de hauteur de vue mais débordants de parti-pris. Le conditionnement soft des sondages, la mise en exergue permanente de micro-évènements, d’insignifiantes paroles, enflées comme des baudruches, obscurcissant l’entendement citoyen. Tous déplorant, bien entendu, que les vrais sujets n’aient pas été abordés.
La pseudo-dramaturgie des parrainages, indigne d’une démocratie. La cohorte des candidats, dont un bon tiers n’est là que pour « témoigner » tous les 5 ans de leur insignifiance politique. Pour la grande majorité d’entre eux, des chevaux sur le retour. Une seule exception notable : l’émergence d’un candidat sans concession, au langage dru.
Et puis il y a les Français, mes compatriotes. Je les ai longtemps vus comme victimes de cette usurpation électorale, de cet anti-pédagogisme de haute intensité que pratiquent les média sur les enjeux d’une telle élection. Je les ai excusés de ne pas s’investir et défendus, convaincu qu’ils pouvaient, allaient se redresser, reconquérir avec vigueur leur souveraineté démocratique.
Et il y a eu cette crise sanitaire. Pendant deux ans, je les ai vus très majoritairement baisser la tête sous l’avalanche de messages sciemment anxiogènes du gouvernement, accepter des privations de liberté, pour eux, leurs enfants, ou leurs parents dépendants, laisser sans réagir ostraciser certains de leurs concitoyens, simplement coupables d’exprimer un avis qui ne soit pas dans le courant « mainstream », sans jamais interroger le bien-fondé , scientifique, citoyen ou moral, de celui-ci.
Et j’avoue que j’ai eu peur. Peur que la grande décérébration de l’humanité, la prise de contrôle des consciences, déjà bien avancées en Chine ou aux Etats-Unis par des voies différentes, aient passé un point de non-retour : si les Français autant pionniers, cabochards et chatouilleux sur les libertés sont à ce point atteints, qui résistera ?
En litanie revenaient dans ma tête les terribles phrases de la Boétie sur la servitude :
« Il n’est pas croyable comme le peuple, dès lors qu’il est assujetti, tombe si soudain en un tel et si profond oubli de la franchise, qu’il n’est pas possible qu’il se réveille pour la ravoir, servant si franchement et tant volontiers qu’on dirait, à le voir, qu’il a non pas perdu sa liberté, mais gagné sa servitude. »
Si tout est perdu, pour la France ou pour l’Humanité, à quoi bon écrire ?
Et puis il y a quelques jours, j’ai vu à la sauvette une séquence vidéo de quelques secondes.
Ça se passe en Chine, dans Shanghai confinée… j’allais dire occupée.
Une séquence bien entendu illégale, interdite, subversive.
Autrement dit, « 繪圖儀 »
Complotiste, en chinois.
Cette ville de 28 millions d’habitants est confinée, absolument et par la force depuis plus d’un mois, au nom de la stratégie Zéro Covid du gouvernement chinois. Les Shanghaïens ont interdiction de sortir, sont (mal) nourris par paniers repas. Les rues sont vides, les immeubles pleins. Sans discontinuer, et sans terme prévu.
Cette vidéo montre furtivement quelques tours d’habitation, filmées à la nuit tombante. Rien ne semble se passer. Et puis dans l’obscurité devenue protectrice, des cris montent, d’abord quelques-uns, puis de longs hurlements. Pas de mots. De la détresse, de la souffrance, de la révolte à l’état pur.
Cri de désespoir à Shanghaï, mais espoir pour toute l’Humanité. Même sous le talon de la dictature, on peut se révolter. Nature humaine, pas morte !
Il faut écrire.
Daniel RIgaud
Hello Daniel
Bien lu, et agréablement, parce que bien écrit.
Beaucoup de choses sages, notamment sur cette campagne électorale à la surface des choses
Pitoyable, mais on préfère quand même ne pas être à Shanghai !
Amitiés
Pierre
Merci pour ton commentaire, mon cher Pierre!
Oui, réjouissons-nous de ne pas être Shanghaiens en ce moment!
Et pour que cela n’arrive jamais, soyons exigeants pour notre démocratie
Amitiés,
Daniel